En quête de sens

Il y a quelques mois de cela, à propos de la quête de sens, j’écrivais ceci :

« C’est l’un des grands maux de notre temps. La perte de sens est une tragédie de la civilisation. La perte de contact avec un principe supérieur essentiel perceptible au-delà de la conscience individuelle a ôté toute valeur aux traditions, aux mythes, autant de points de repères permettant à l’individu de se sentir relié à l’Humanité et de façon plus générale à l’ensemble des manifestations de la Vie. L’individualisme porté en vertu qui nous a coupé du sens de l’appartenance à un groupe, à une culture, à une lignée, ont vidé notre existence de son sens. L’être est remplacé par l’avoir, mais la quête de possessions matérielles ne fait que rendre le vide d’être encore plus perceptible, frustrant jusqu’à devenir insupportable. » (« Accompagner la quête spirituelle avec la psychologie biodynamique » – 2016 – non édité)

Et puis hier matin, sur le chemin de mon cabinet, je me suis subitement posé cette question : pourquoi chercher un sens ? Le fait d’avoir besoin d’un sens à sa vie n’est-il pas en lui-même névrotique ? A la réflexion, il me semble que oui.

Avoir besoin de chercher un sens, c’est ressentir un manque. Je dis bien chercher et non trouver, car la démarche de recherche est déjà en soi une façon de combler ce vide, même si trouver est plus satisfaisant. On pourrait même dire que lorsque ce sens est trouvé, on ne se pose plus la question de savoir si la vie a un sens. On a trouvé un équilibre satisfaisant et on ne remet plus cet équilibre en cause car il n’y a aucune raison à cela, à moins que quelque chose ne vienne bousculer cet équilibre. En reprenant des termes psychanalytiques, on peut dire que la quête de sens a été sublimée.

La véritable question n’est donc pas : ma vie a-t-elle un sens ? mais : pourquoi ai-je besoin de trouver un sens à ma vie ?

Du point de vue du thérapeute, comment accueillir et accompagner cette quête de sens ? Il n’est pas dans les attributions du thérapeute d’aider  à la recherche d’un sens à sa vie, en aucune manière. Si je faisais cela, je ne ferais qu’influencer la personne. Une démarche de conseil est non seulement superflue mais généralement néfaste et contraire à l’éthique.

Je vais donc orienter mon travail vers ce manque que je perçois. Il peut se manifester de différentes façons : sensation de vide, ou manque d’espace. Angoisse ou frustration. Quelque chose est bloqué dans la pulsation de la vie. Le travail sera adapté à chaque problématique, mais le principe que je défends est identique : même une notion aussi intellectuelle que la quête d’un sens à sa vie a un fondement corporel, directement perceptible, et il est possible d’agir corporellement dans l’accompagnement de cette quête.

Je vais sans doute te frustrer, ami lecteur, mais je ne peux malheureusement pas aller plus dans le détail au cours de cet exposé. La démarche doit ici être complètement individualisée, et je me suis toujours refusé à généraliser ma pratique à une « catégorie » de personne, à adopter un « truc qui marche bien ». On retrouvera dans les origines du manque des généralités évidentes (manque d’amour, de soin, de bienveillance, de contact, de place, de droit à exister…) mais la névrose est un équilibre en soi auquel on ne touche qu’avec circonspection.

Donner un sens à sa vie n’est pas une nécessité, on peut jouir de la vie simplement sans but précis. Certainement si nous pouvions les comprendre, tous les organismes vivants hormis les êtres humains vous le confirmeraient, mais ce ne sont là que spéculations. Néanmoins différents courants de sagesse ne disent pas autre chose, comme cet aphorisme bouddhiste :

« Le chemin, c’est le but »,

ou ces quelques mots de Ramana Maharshi :

« Soyez ce que vous êtes.
Ne méditez pas, soyez.
Ne pensez pas que vous êtes, soyez.
Ne cherchez pas à être, vous êtes »

Ami lecteur, tu me trouveras peut-être bien éloigné de mes prérogatives de thérapeute psycho-corporel, à parler ainsi de ce qui se rapproche bien près de la spiritualité. Je ne pense pas que l’on puisse séparer l’un et l’autre. Et si j’ai choisi d’écrire un article sur ce thème, c’est bien parce qu’en tant que thérapeute je rencontre de plus en plus de personnes dont la dimension spirituelle est un élément fondamental de leur démarche en thérapie. Il y a des drames inscrits dans le corps, des douleurs du corps et de l’âme à soigner, et il y a l’ « après ». Car bien souvent on construit une part de notre identité sur nos peines. Lorsque ces peines ont disparu, il est important de ne pas perdre le fil et de se reconnaître autrement.

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